Successions internationales : Vers de nouvelles solutions

Successions internationales : Vers de nouvelles solutions

Déterminer la loi (et les taxes) applicables à une succession présentant des aspects internationaux peut se révéler un exercice complexe. Une succession sera internationale dès lors par exemple qu’une personne domiciliée dans un pays décédera dans un autre pays, ou qu’elle possédait des biens à l’étranger.
Une règle de base complexe
Selon le principe de base, et dans la majorité des pays, la loi applicable à la succession d’une personne sera celle du lieu où cette personne résidait à titre permanent, au moment de son décès.
Cette règle peut bien évidemment présenter des inconvénients :

  • Incertitude pour les personnes qui sont souvent mutées, qui déménagent souvent, ou qui vivent entre plusieurs pays
  • Difficultés pour planifier la transmission de son patrimoine (comment savoir, à l’avance, où l’on envisagera de s’installer, lorsque l’on sera à la retraite ? Si l’on a souscrit des contrats d’assurance-vie ou effectué des donations, les avantages seront-ils reconnus par le pays en question ?)

Cette règle est rendue encore plus complexe lorsque l’on sait que chaque pays a son propre droit international privé, qui régit les conflits entre droits différents. En France, par exemple, la règle de base pour une personne résidant en dehors de la France est que sa succession obéira au droit français pour ses biens immobiliers situés en France, et au droit du pays de sa dernière résidence pour les autres biens (dits « mobiliers »).
Il sera donc nécessaire d’ouvrir deux successions pour cette personne (et potentiellement plus si la succession comporte des biens immobiliers situés dans d’autres états).
Les choses se compliquent encore lorsque l’on rentre dans les détails : le fait de savoir si certains biens sont mobiliers ou immobiliers (ex : parts sociales de sociétés détenant des actifs immobiliers) peut s’avérer technique, et nécessitera une analyse juridique spécialisée (en considération, notamment, du droit de chaque pays concerné, et de la convention fiscale pouvant exister entre les deux pays).
Il était impossible de déroger à ces règles, que peu de gens maîtrisent, et dont les enjeux sont pourtant importants : en fonction du droit applicable à une succession, les règles de dévolution successorale (qui hérite ? dans quelles proportions ?), ainsi que le montant des droits de succession (calcul et assiette de l’impôt payé sur la valeur des biens transmis) pourront varier du tout au tout.
Pour l’épouse américaine d’une personne résidente à Bruxelles et possédant un appartement à Paris, il peut en effet être difficile de comprendre que le testament signé par son mari aux USA et lui attribuant sa fortune ne pourra s’appliquer complètement en France, l’appartement parisien étant, selon le droit français, partagé entre tous ses héritiers en application du Code civil (épouse et enfants, en indivision).
Le droit européen offre une nouvelle approche
Il est désormais possible de planifier les choses et de faire un choix : Depuis le 17 août 2015, le droit français (en application du Règlement Européen n°650/2012 du 4 juillet 2012), permet de choisir, comme alternative à la loi du dernier domicile du défunt, la loi du pays de sa nationalité, et cela même s’il s’agit d’un pays non membre de l’Union Européenne.
Ceci permettra non seulement de planifier sa succession (et opter par exemple pour le pays où les règles de successions correspondront le mieux à ses souhaits, afin de favoriser telle ou telle personne), mais également de simplifier l’ensemble de la succession, qui pourra être soumise à un droit unique, même en présence de biens immobiliers dans un autre pays.
Les avantages de la nouvelle réglementation sont nombreux
Effectuer un tel choix (appelé « Professio Juris ») peut procurer un bénéfice important et considérablement simplifier la tâche des héritiers.
Ainsi par exemple, un citoyen franco-américain résidant en France pourra-t-il choisir la loi américaine pour régir l’intégralité de sa succession. Ce choix sera fait dans un simple testament.
Les personnes possédant plusieurs nationalités seront bien évidemment avantagées en ce qu’elles auront encore plus de possibilités.
Notons que le choix de la nationalité peut s’agir de la nationalité d’une personne au moment où celle-ci signe son testament, ou sa nationalité au moment de son décès (ce qui semble permettre l’acquisition d’une nationalité entre-temps).
Ne pas confondre droit civil et droit fiscal
Attention cependant, le choix opéré via la Professio Juris ne concerne que le droit civil (règles de succession) et non les règles fiscales (impôts à payer sur la succession). Une succession pourra donc être régie par un droit étranger, mais la partie immobilière sera taxée en France.
Autrement dit, le choix ne portera que sur les aspects civils de la succession, à savoir : qui héritera, dans quelles proportions, quelles seront les formalités de transfert des biens, les pouvoirs des héritiers et des administrateurs de la succession, quelles seront les obligations des héritiers en ce qui concerne les dettes de la succession, les règles de partage, etc.
En fonction des pays concernés, des droits de succession pourront ainsi être payés dans plusieurs pays, même en cas d’application d’un droit unique à la succession (en France par exemple, des droits de succession sont payables en France si le défunt résidait habituellement en France ou si ses héritiers résident en France).
L’existence d’une convention fiscale entre les pays concernés permet le plus souvent de gérer ce genre de problème, par le système du crédit d’impôt.
Attention enfin, le choix devra se faire en considération d’autres éléments essentiels : l’existence d’un contrat de mariage, de donations, de contrats d’assurance-vie ou d’un testament.
A qui ces nouvelles règles s’appliquent-elles ?
Le Règlement Européen s’applique à toute personne, quelle que soit sa nationalité, vivant, au moment de son décès, dans un Etat-Membre de l’Union Européenne (à l’exception de la Grande-Bretagne, de l’Irlande et du Danemark).
Par exemple, un Français vivant en Espagne au moment de son décès verra sa succession régie par la loi espagnole, les deux pays étant membres de l’Union Européenne et parties au Règlement Européen. Il pourra désormais choisir que sa succession sera soumise au droit français. S’il possède, en plus de la nationalité française, la nationalité libanaise, il pourra choisir que le droit libanais s’appliquera à l’ensemble de sa succession.
Autre exemple : Un chinois vivant en France pourra choisir, par testament, que sa succession sera régie non par le droit français mais par le droit chinois.
Il est donc important d’évaluer votre situation patrimoniale, juridique et fiscale avec votre conseil, en particulier si vous résidez à l’étranger et possédez des biens en France, avant de faire un choix. A défaut de choix, les règles de base continueront de s’appliquer, comme avant.
 
Emeline TOURNON
AZAMDARLEY & ASSOCIES